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Dans Société

Immersion dans le luxe

Le 08/09/2015

Le diable s habille en prada 02 1024x768

J'arrivai telle une princesse, sortie de la bulle du pays des fées. Talons compensés, proprement peignée, blazer de circonstance. Au top de ma forme, j'avais sorti l'attirail discret qui devait faire de moi la plus classe des étudiantes convenables.
Pour moi, l'acronyme d'une maison de luxe équivalait à une opportunité impossible à refuser.
Mon CV, mes yeux, mes potes, mon passé, tout le monde en prendrait, quoiqu'il arrive, plein la vue.
Impatiente et déterminée, je m'attelai au mieux à être la plus mignonne et accueillante des hôtesses d'accueil.
Moi qui me voyais d'ici quelques jours, semaines, un mois tout au plus, devenir mannequin, rédactrice en chef ou encore conceptrice-redactrice dans le service prestigieux d'une maison prestigieuse, quelle ne fût pas ma surprise lorsque je compris que je ne représentais rien face à tous ces gens de la haute.
Je n'étais qu'une vulgaire hôtesse bac+4, absolument pas fille de, ni blonde aux yeux bleus et encore moins brune sculpturale.
J'étais humaine tout simplement, j'étais normale à la Hollande, sans l'option luxe too much qui fait de vous une espèce reconnue au sein des groupes leader sur le marché, classés dans le top 10 par Forbes tous les ans.
Mon compte en banque ne représentait même pas 1% de leur salaire hebdomadaire.
J'avais un statut assez noble pour me faire draguer par la maintenance ou la sécu mais certainement pas par les bodyguards du PDG et encore moins par le personnel du comité exécutif.
Mais c'était assez drôle. D'observer comment on fait des ronds de jambe à ceux qui ont un costume à 2 000. Ça en chorégraphie, je suis devenue calée. C'était poli de sourire à tout va, rigolo de dire bonjour à des gens qui font comme si personne n'avait parlé. Mes collaborateurs et moi, on jouait souvent au jeu du silence finalement. Face à des collègues qui ont un salaire à 6 chiffres, vous ne pouvez pas dédaigner et encore moins vous plaindre.
C'était intéressant de constater que la richesse représente peu de chose, mais finalement beaucoup. Je veux bien croire que l'argent ne fait pas le bonheur à en voir la tronche que tiraient tous les hommes d'affaires.
Niveau relations humaines, élitisme, séparation des classes, on en apprend beaucoup.
Les gens qu'on voit à la téloche et dans les magazines sont beaucoup moins beaux en vrai je dois dire. (Et beaucoup moins sympathiques).
Bref, pour le piston, on repassera. Mais less is more comme on dit là-bas.

Coeur scellé

Le 09/08/2015

Original

Aujourd’hui je vais parler d’un tabou, plus prohibé que le sexe, la drogue, le tabac dont on viendra tous à bout, les pêchés inavoués, les vices cachés, les fourberies et les inepties, bref pour dire comme Kyan Khojandi sans prétendre au succès de Canal+, je parlerai du c é l i b a t.

Le célibat, c’est cool. Mais attention je ne vais pas donner 10, 50 ou 100 bonnes raisons d’être célibataire ni cracher sur le couple. Je ne vais pas dire que les hommes sont des connards (car d’abord je n’ai jamais aimé les pléonasmes) et encore moins que les célibataires sont des personnes aux moeurs légères (ça, ça les regarde).

En clair, je ne prendrai pas officiellement parti, mais officieusement bien sûr j’essaierai de vous endoctriner pour que vous partagiez ma vision des choses.

J’aimerais proclamer haut et fort que non, le célibat n’est pas une tare.

Les femmes ne sont pas toutes des Bridget Jones, ankylosées, déprimées, fulminant sur leur rupture (même si celles-ci représentent 70%).

Il y a aussi des femmes émancipées pour lesquelles les hormones se portent très bien, qui ne sont pas forcément égocentriques ou carriéristes et qui aiment vivre avec elles-mêmes, vivre leur vie tout simplement sans se poser la question de savoir si c’est mieux à deux ou à zéro. Ces femmes qui n’ont pas besoin de former une paire pour penser, exister et s’affirmer, tout en entretenant de bonnes relations avec la gente masculine.

Après l’énième ritournelle : « Et toi, toujours rien ? », « Alors, c’est le désert ? » « Bon faut vraiment que je te présente quelqu’un », « Mais comment tu fais ? », j’aimerais préciser à la manière du réalisateur Philippe Lioret un peu mytho car tout ne va pas bien dans son film et certainement pas Mélanie Laurent un peu trop anorexique (désolée pour le spoil), que je vais bien ne vous en faites pas. Je vais bien de ne pas dîner aux chandelles, de ne pas recevoir de fleurs, de roses, de pétunias et puis de pissenlits pourquoi pas. J’ai des amis, une vie sociale. Je n’ai pas de déclaration énamourée de l’être aimé mais des déclarations grotesques de prétendants à qui céder serait privilégier la quantité plutôt que la qualité.

On peut être célib, solo, seul-tout, uno et voir la vie en rose, savourer l’instant présent, être romantique, poétique, se laisser aller, se pomponner, se préparer, s’entretenir ou se laisser couler, peu importe le statut marital.

Il est possible d'être jovial, créatif, de partager, sans être terré dans une solitude, une amertume, en étant 1. Ni 1+1, ni 1-1, aucune love équation by le 6 12 12 ou la calculette de l’amour, pas le 1 du podium ni le n°1 de la drague mais une personne au singulier, épanouie, qui aime la vie.

Le célibat n’est pas un fardeau, un boulet, un défaut, un syndrome ou un handicap.

A deux c’est mieux ? Peut-être, peut-être pas ? L’essentiel n’est-il pas de pouvoir être soi qu’importe si quelqu’un nous accompagne ou pas ?

Bien sûr, tout ceci pose la question du mariage, du partage, de la descendance. Du cercle vicieux de la société, de nos vies tracées et puis de la condamnation scrupuleusement prémédités. Ces questions importantes traversent l’esprit des femmes les plus affranchies mais ne ternissent pas la paix intérieure que provoque un célibat entretenu, même s'il est temporaire. Car pour aimer l’autre, ne faut-il pas s’aimer soi-même ? Pouvoir se supporter, cohabiter, être conscient de ses attentes pour éviter dépendance démesurée, jalousie, fusion étouffante et autres revers sentimentaux.

Si le couple est une norme et que le célibat illustre la marginalité, excusez toutes ces personnes qui vivent en dehors de la société sans être pour autant de méprisables déchets.

Offre d'emploi

Le 14/06/2015

Fond emploi

Je recherche un stagiaire qualifié. Homme, femme, qu’importe, tant que vous prouvez votre disponibilité et votre adaptabilité.

Compétences professionnelles requises : diplômé bac + 5 HEC pour effectuer des tâches à haute responsabilité tels l’archivage de la paperasse et la rédaction de compte-rendu de réunions. Ainsi vous aurez quelque chose à noter sur votre rapport de stage et pourrez compléter les copier-coller qui  présentent la société (3/4 des pages).

Qualités attendues : une personne responsable sur qui l’on rejettera la faute en cas de pépin. Cela vous permettra d’acquérir la notoriété (haute renommée) du stagiaire de BFM TV, modèle suprême de crédibilité.

Modestie et humilité sont de rigueur car vous ne serez jamais complimenté. Au risque de prendre la grosse tête ou de vous sentir trop valorisé et puis cela pourrait développer votre confiance en vous, favoriser votre prise d’autonomie et vous rendre ingérable et compétent.

Rémunération et horaires : vous serez rémunéré à 508 euros maximum histoire que vous puissiez diviser ce haut salaire en passe-Navigo, plats préparés Picard bourrés de colorants et matière organique non identifiée, absolument pas rassasiants faut-il le préciser ?

En ce qui concerne vos heures de travail : de 9h à 19h pour les petites journées car les 7h règlementaires sont moins productives que des demi-journées et ce n’est pas comme ça que vous aurez de l’expérience sur le marché. De plus, vous faire commencer trop tard ou rentrer trop tôt pourrait vous permettre d’avoir une vie sociale ou une vie tout court, ce qui n’a aucune utilité si ce n’est d’éviter le burnout, syndrome exagéré.

Envoyez vos candidatures à exploitation tiret pdg point fdp

La rencontre

Le 14/06/2015

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" J'ai rencontré une fille, chérie tu ne peux pas comprendre, elle est fine et maligne. Elle est drôle, elle est chiante, un petit peu entreprenante. Je ne peux plus m'en passer, je ne cesse d'en rêver. Elle m'obsède, elle me hante, un jour sans lui parler et tu le vois je déchante.

Chérie je te quitte, c'était sympa la vie à deux mais le but c'est d'être heureux et non pas que tout cela devienne ennuyeux. Tu n'es pas pour la vie à trois et moi non plus, alors tu vois c'est bien mieux comme ça. J'ignore si elle me lassera tout comme toi, mais sans elle c'est bien clair aujourd'hui je ne peux pas.

Chérie je pars, garde les bijoux, la fortune, je m'en vais vivre d'amour et d'eau fraîche, Je tente une nouvelle fois, mais je dois dire que ce coup-ci, elle m'a vraiment tendu la perche.

Avec toi j'étais bien, avec elle je serai mieux, chérie je ne peux plus te regarder dans les yeux. Lorsque je tente, c'est elle que je vois. C'est cruel, c'est injuste, je n'ai pas choisi, je te l'assure crois-moi. Les femmes sont des diablesses, ce jour où elle m'a souri, pour moi, pour toi, pour nous c'était fini.

J'ai lutté, j'ai tenté, de réfréner le pêché. J'ai perdu, je ne peux plus, la lâcheté m'a vaincu.
Je croyais être amoureux, c'était sans compter LA rencontre. Je pensais exister, je ne faisais que survivre, maintenant je m'en rends compte. J'ai viré fleur bleue, tu me reprochais de ne pas avoir de coeur, de ne pas t'être dévoué. J'en avais un mais tu n'as pas réussi à le faire battre, c'est loupé.

Je ne t'en veux pas, je sais que toi si, mais je te le répète, je n'avais pas prévu que cela se passe ainsi.

Reproche-moi d'être un traître, faible et inconstant, j'accepte tout du moment que tu me laisses me libérer, j'en remetterai à ses douces mains ma captivité.

Hier toi, demain elle, je le jure je ne suis pas maître de ce cercle vicieux éternel."

Veuve noire

Le 14/06/2015

Gateaux mariage

Moi aussi je voudrais me marier un jour.

Tout partager avec mon mari, l’espoir, la dépression et puis l’ennui ; La perte de la jeunesse, la sénilité qui accompagne la vieillesse. Je voudrais offrir le temps que je n’aie pas et les conversations futiles pour meubler ou substituer le décor Ikea d’une vie plan-plan plus mortelle que la mort au rat. Partager mes relations, mes intentions, offrir ma liberté, mon intimité, briser les secrets, dévoiler les mystères, jouer les madame Bovary version Mary à tout prix.

Je voudrais être romantique, planter des bouquets de fleurs fanées par l’espoir déchu de l’exclusivité. Je laisserais les stratégies d’Athéna pour les célibattantes féministes, mordantes, déprimantes, déprimées, jalouses et pourtant plus lucides qu’Heidi version bobonne gaga.

J’aimerais offrir mon cœur, comme un sacrifice sur l’autel de la torture, je laisserais mon époux jouer avec et consulterais son agenda pour savoir s’il le briserait en semaine 10 ou 23.

Je jouerais les princesses Disney avec une grotesque robe de mariée, ferais une réception avec 380 perfides invités. J’apprendrais à cuisiner du gigot, à faire les tâches ménagères et me perdrais en jolis mots seulement si bien évidemment, il m’avait fait assez de cadeaux (plus originaux que ceux qu’il offrirait à la maîtresse qui lui donnerait des cours particuliers sur la fidélité).

Je voudrais partager mes sauts d’humeur et apprendre comment afficher un sourire béat, mettre le A d’apprentie dans la vie maritale, passer le code de la route des sentiments, perdre des points sur le respect des règles de la vie à deux, me faire retirer le permis de la bonne conduite dans la relation idyllique puis retenter le coup après un divorce déraisonné et une pension bien négociée.

Telle une poupée russe à la merci d’un apollon gras plein de fast-food-30 de QI-fan d’Ibrahimović, je diminuerais en fonction de la manière dont on me conditionnerait. En tant que Babouchka anéantie par la réalité, inutile de préciser que j’aurais fortement été trahie par tous les jolis contes de fées.

Dans Société

Marginalité 3D

Le 11/06/2015

Un peu plus tôt ce matin, j’ai croisé une femme singulière en allant travailler. Depuis, je n’ai cessé de ressasser ce souvenir gênant et assez troublant qui contraste avec ma petite vie aisée, toute propre et très ordonnée. Aussi je me suis interrogée sur l’origine de cette histoire qui d’une manière générale rendait cette femme totalement à part.

Elle avait l’air différente. Son regard, comme tant d’autres me direz-vous, était, semble-t-il, perdu. Perdu et pourtant saisissant, bien qu’en elle je ne pus déceler aucun sentiment. Elle transportait avec elle la résignation et dans un immense bagage, une incommensurable part de désespoir. Retranchée dans cette longue allée, son ombre la plongeait au plus près de la réalité et en même temps elle n’était que mystère et distance face à tous les passants pressés.

Je me suis demandée d’où elle venait et où elle espérait aller. Si elle avait pu être comblée par le passé ou si au contraire elle avait passé la majeure partie de sa vie à pleurer. Je me suis interrogée sur ce qu’elle pouvait bien contempler à travers ses yeux qui n’exprimaient rien et à qui ou à quoi ses pensées étaient-elles destinées ? Croyait-elle qu’on l’avait oubliée, n’avait-elle plus personne à qui parler ? Qui était donc là pour se soucier ? Avait-elle des rêves et des espoirs ? Un compte Instagram pour raconter quelques histoires ?

Cette femme ne respectait en rien les standards de la beauté, elle ne faisait pas une taille 0 et son style était outrancier. Les vêtements qu’elle portait n’étaient pas assortis, peut-être même pas repassés, tout en elle avait l’air éparpillé. Ses cheveux ébouriffés n’étaient absolument pas soignés et ses ongles vraiment loin d’être manucurés. 

Peut-être cette pose que j’avais capturé avec mes yeux indiscrets, de façon instantanée, résumait-elle sa vie ou du moins la représentait-elle telle qu’elle était aujourd’hui ? J’étais insolente et culottée de prendre la liberté d’imaginer tant de choses d’une femme que je n’avais croisée que furtivement et de qui je ne connaissais strictement rien. Mais étais-je vraiment dans le faux ou très proche de la réalité ?

Probablement que c’était une femme marginale, aucunement inscrite sur Twitter, une femme sans prétention mais qui possède le luxe de ne pas courir après les followers. Son style laissait présager qu’elle n’avait ni smartphone, ni connexion 4G. Comment pouvait-elle se permettre de vivre en dehors de la société ? D’où pouvait bien venir cet étrange personnage qui ne semblait pas avoir d’identité online, d’existence virale, fictive et même réelle. Si j’activais le wifi, pour sûr que je ne retrouverai ni son profil ni son existence dématérialisés, mais même dans un annuaire, je n’étais pas sûre de pouvoir l’identifier. Elle n’était pas comme nous, elle ne prenait pas d’autoportrait, ni même la peine de promouvoir un égocentrisme démesuré. Où était donc son espace 3D, son petit havre de paix customisé ?

Si elle était à part c’est bien parce qu’elle n’avait ni toit, ni intimité.

J’imagine que la plupart des internautes n’aurait pas mis de j’aime à ce que j’avais pu voir ce matin-là. Peut-être tout au plus une opération de crowfunding, un financement participatif pour se donner bonne conscience ?

Cette femme était une projection de la société, cruelle et sans pitié, qui laisse les gens exister sans avoir de vie connectée, dans l’impossibilité d’être reliés à un quelconque opérateur empreint de compassion ou de générosité. Ne pas posséder de connexion en 2015 ce n’est pas envisageable, c’est inimaginable. Et qu’en est-il de ne pas posséder de connexion vitale, à savoir un toit où se brancher ? Pour recharger les batteries d’un corps exténué. Plus que la connexion, cette femme avait perdu le cadre, le port USB du partage et l’échange.

Elle aurait pu être moi dans 30 ans, une mère, une sœur ou une cousine que je n’aurais jamais connu. Je ne sais ce qui l’avait poussée à croiser mon chemin, si elle avait commis le crime ou connu la malchance en accomplissant son destin. Néanmoins, cette vision d’une femme à la rue avait quelque chose de douloureux et de scandaleux qui provoquait colère et désarroi en moi. Sans que toutefois je ne changeai l’espace d’un instant ma trajectoire d’égoïste, de lâche dépossédée, reflet d’une société bien trop individualisée, qui laisse les femmes dormir toutes habillées dans des arrêts de bus glauques et abandonnés.

Nyfw

Drague du tur-fu

Le 10/06/2015

Harce lement de rue 1024x575

Aujourd’hui j’ai croisé dans la rue, un jeune homme propre sur lui qui m’a proposé un ciné. Devant tant de galanterie je n’ai pu qu’accepter et nous avons fini devant un film de Woody Allen, dont je ne saurais me remémorer le titre. 

Pour continuer dans cette agréable lancée, nous sommes allés boire un thé. Il m’a parlé de sa vie, de ses envies et de son activité. Très à l’écoute, empathique et curieux sans être indiscret, il m’a questionnée sur mes passe-temps, mon métier et mes futurs projets. Prévenant et délicat, il m’a fourni de nombreux conseils, a amplifié peu à peu mon assurance, ma confiance en moi et même en lui. Nous n’avons pas fini la journée dans son lit mais dans un parc jusqu’à la tombée de la nuit.

J’avais confiance en cet inconnu et j’aurais pu le suivre n’importe où. C’est pourquoi, je l’ai revu le lendemain avec le même entrain, me disant qu’après tout c’était le destin. Il était attentionné, drôle et cultivé. Jamais une vanne déplacée, toujours un mot gentil sans être trop effacé. Il m’a offert un joli présent, une chose que je ne pourrais décrire sans l’amoindrir. Une preuve d’amitié, décernée sans arrière-pensée. Il était aimable et beaucoup moins ennuyeux qu’un vil preux chevalier. En sa compagnie, j’avais envie de refaire le monde et de me perdre dans des questions existentielles. Le temps passait chaque fois trop vite et le bleu azur s’évaporait à mesure que s’assombrissait le ciel. Il ne m’a pas demandé mon numéro, si j’avais un compte Tinder ou s’il y avait quelqu’un dans mon cœur. Encore moins si j’étais célibataire, mariée ou prête à tromper. Jamais il ne m’a dit que j’étais agressive, laide ou sans intérêt. Dans ses yeux je me sentais femme abordée avec considération et grand respect.

Flash-back.

Hier dans la rue, j’ai rencontré un homme grossier et d’une intelligence qu’on ne pouvait déceler. Il était incohérent, impatient, imbu de sa personne et avait faim de chair fraîche comme un félin en chasse. Me reluquant de haut en bas, il a tout de suite voulu remédier à mon célibat. Comprenant que j’étais réticente et importunée par tant d’agressivité, il m’a dénigrée puis insultée avant de me suivre sans cesser de marmonner. Heurté par la brutalité de cet inconnu, mon esprit s'est mis à divaguerla courtoisie était-elle à jamais perdue, ne restait-il que répugnante consommation et harcèlement de rue ?

Je l’ai semé puis suis rentrée, me demandant si le gentleman était bien un mythe ou une réalité.

« Quand je serai grande, je deviendrai youtublogueuse »

Le 08/06/2015

J’ai toujours rêvé d’être blogueuse mode, et mieux encore : blogueuse-tutoriels-coupes-stylées-maquillage-pro-faux-naturel-sans-organisme-modifié.

Je me maquillerais devant la webosphère et le monde m’observerait, armée de mon pinceau pour les yeux, affiner mon nez et cacher mes rides grâce au fabuleux make-up Yves Rocher.

Je deviendrais ce que je n’ai jamais été : une maquilleuse professionnelle sans formation, avec de l'expérience dans l'apparence grâce au parcours semé d'embûches de la puberté.  J’aurais eu l’adolescence pour faire tous les fashion faux pas possibles et ma rédemption serait une réincarnation en coach, à la crédibilité attestée par la correction de toutes les erreurs du passé. Une styliste autoproclamée racontant son quotidien devant des femmes fragiles en manque de personnalité.

Je leur expliquerais comment paraître naturelle avec une crème qui embellit le teint, quelle poudre miracle appliquer pour faire semblant d’être démaquillée, comment avoir les pommettes rosées sans forcément être bourrée, le secret des sourcils authentiques (épilés et soigneusement dessinés) et puis pourquoi la pierre d’Alun a miraculeusement sauvé mes seins.

A toutes ces ignorantes, je conterais depuis combien de mois je ne m’épile plus, pourquoi le dentifrice est devenu mon pire ennemi et comment fabriquer son shampooing bio et sain à l’huile de brocolis.

J’aurais des fans, des groupies, des abonnées. Puis j’écrirais un livre : L’imitation comme secret de beauté, enfin je veux dire : Être heureuse et s’assumer en trouvant soi-même les clés du succès. Je serais le Pulitzer ou le best seller du vernis alors qu’à l’origine je ne faisais que filmer ma vie pour tuer l’ennui.

Je prendrais mon quotidien en photo et le rendrait extra-ordinaire, mes courses au supermarché deviendraient une routine beauté, le must-have de toute fashionista invétérée. J’augmenterais de tous produits la désirabilité, montrerais comment affirmer son humilité en postant des photos Berthillon et Ladurée, porterais robes sans cavalier Roberto Cavalli et ballerines Repetto tout en répétant que dans la vie « l’essentiel est la simplicité ». Evidemment, je serais, quel que soit le temps, manucurée, quand bien même ce serait pour faire un jogging au parc du Prieuré.

Mes imperfections deviendraient la base de l’hygiène beauté et ma modeste personne serait flattée chaque jour de façon exagérée.

La surexposition serait ma came, du lever au coucher je dévoilerais tout à travers ma webcam. Je créerais la dictature du bien « être », du comment se comporter en société (talons de 13 centimètres exigés), dirigerait la communauté des filles stylées, qui m’aimerait suivrait les 10 commandements de la superficialité.

Je serais la reine du podcast et Youtube serait ma télé-réalité : mes confessions intimes telles des paroles saintes sur la toile et aux yeux de tous, à jamais dévoilées.

Ma vie serait rythmée par le play des internautes, les commentaires seraient des lettres d’amour de prétendantes transies, rêvant toutes et suppliant de devenir mes amies.

Je deviendrais plus cool que la reine du lycée, qui m’aurait des années plus tôt, évincée. Fini la ringardise et les soirées télé, les boîtes qui m’auraient recalées viendraient me supplier et la popularité ferait de moi la star que les cieux avaient prédéstiné.

Je vendrais mes conseils mode pour un cachet L’Oréal à cinq chiffres, scrupuleusement négocié. La spontanéité de mes débuts qui aurait fait mon succès n'existerait plus. Elle serait vendue aux marques qui me dicteraient quoi raconter dans des vidéos HD, caméra prêtée pour le tournage et validation du montage.

Je lancerais des jeux-concours pour doper la notoriété des marques futiles dont la pérennité reposerait uniquement sur mon style. J’aurais des produits gratos et des échantillons à n’en plus finir, des gadgets désuets ne demandant que mon humble avis pour être vendus ou, d’un claquement de doigts, anéantis.

M’essayer ce serait m’adopter, je deviendrais une marque humaine à part entière, un produit qui n’est pas à vendre, acheté de toutes parts. La reine du numérique, corrompue et auto-entrepreneuse, implorant pour un commentaire flatteur ou une requête en plus sur Twitter. A moins de 35 056 981 likes je ne posterais pas de nouvelle vidéo, tant pis pour la recette du cheveu qui brille grâce à l’huile de jojoba saupoudrée de vanille.

Imaginez mon pouvoir, mon importance, un empire bâti grâce à mon génie et ma photogénie. L’ironie du sort : l’infortune d’une fille aux préoccupations qui n’intéressaient personne changée en idole des foules, captivante, à la prospère fortune.

Pas de revers, seulement une médaille, que dans ma vie d’avant je n’aurais pu gagner et qui pourtant aujourd’hui, se trouverait délicatement posée sur mon clavier.

Maquillage russe avant apres 03